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Nous sommes dans une situation de dépendance à la régularité des pluies

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Interview Jean-Michel Soubeyroux
Directeur Adjoint Scientifique de Météo France

Quels sont les différences et liens entre météo et climat ?

C’est une question importante. La météo est là tous les jours, elle est connue de tous. Les confusions entre météo et climat proviennent du fait que l’on utilise les mêmes variables et les mêmes termes pour décrire la météo et le climat.

Mais pour les définir simplement je dirai que la météo concerne le temps qu’il fait aujourd’hui alors que le climat s’intéresse à l’ensemble des temps possibles, exprimé en moyenne.
C’est une différence majeure et j’aime pour l’illustrer prendre l’exemple de l’impact d’une augmentation de 2°C.

Au regard du temps qu’il fait aujourd’hui une variation de 2°C est observée quasiment tous les jours et peut intervenir en à peine une heure de temps.

Mais lorsque l’on s’intéresse au climat, la même variation de 2°C est celle que nous avons connue depuis le début du XXe siècle et elle a provoqué la quasi-disparition des glaciers dans les Pyrénées.

Là encore, les chiffres, les variables sont les mêmes mais ils ne veulent pas dire la même chose.

Peut-on rapidement rappeler les missions de Météo France ?

Météo France a en charge la surveillance de l’atmosphère, de la surface des océans et du manteau neigeux. Elle en prévoit les évolutions et partage ces informations.
Cette surveillance météorologique s’effectue avec le souci de la sécurité des biens et des personnes (prévention des événements météorologiques extrêmes).
En rapport à l’eau, Météo France contribue au bulletin hydrologique mensuel sur le suivi des précipitations, du degré d’humidité des sols, de l’état du manteau neigeux sur les reliefs à la fois au niveau national et régional.

Elle assure également la conservation de la mémoire du climat et l’analyse du changement climatique avec la production de modèles climatiques qui permettent d’anticiper les effets des changements climatiques à l’échelle globale ou régionale.

Cette expertise sur le changement climatique est à la base de l’appui que Météo France fournit aux organismes publics porteurs des politiques d’adaptation au changement climatique, comme les agences de l’eau.

La recherche fait également partie intégrante des missions de Météo France. En lien avec le CNRS et au sein du Centre national de recherches météorologiques (CNRM), de nombreux travaux abordent l'étude du climat et du changement climatique et s’étendent au champ de l’hydrologie en fonction des évolutions du cycle de l’eau.
 

DRIAS Eau

Un portail dédié aux futurs de l’eau…

DRIAS les futurs de l'eau a pour vocation de mettre à disposition des projections hydrologiques des eaux de surface et souterraines, réalisées dans le cadre du projet national Explore2, ainsi que l’ensemble des informations utiles à leur bonne utilisation, sous différentes formes graphiques ou numériques.
Le portail DRIAS Eau développé dans le cadre du projet européen LIFE Eau & Climat a été ouvert en mars dernier et a bénéficié du soutien de l’agence de l’eau Adour Garonne : www.drias-eau.fr

Quelle est la situation météorologique du bassin aujourd’hui ?

La situation météorologique du bassin est l’objet de fortes préoccupations, à la suite de l’épisode de sécheresse continu que nous avons traversé du printemps 2022 à l’hiver 2023. 

Les pluies de ces dernières semaines ont permis de stopper la sécheresse des sols en Adour-Garonne et de faire remonter le débit des rivières (contrairement à la situation dans les Pyrénées Orientales). Mais le manque de réserves dans les nappes et retenues ainsi que le faible stock de neige dans les Pyrénées ne peuvent plus être résorbés par ces précipitations de printemps. Nous aurons moins de réserves cette année sur le Bassin, pour aborder l’étiage 2023. Nous sommes dans une situation de dépendance à la régularité des pluies.

En l’absence de réserves suffisantes, nous allons rester tout l’été dans une situation de grande vulnérabilité.

En l’absence de réserves, nous allons rester tout l’été dans une situation de grande vulnérabilité.

Cet hiver, il a été question de sécheresse hivernale, est-ce exceptionnel ?

Pas vraiment, nous avons déjà connu dans le passé ce type d’épisode et des sécheresses pluriannuelles. Cependant les niveaux de température extrêmement hauts de l’été dernier et leur conséquence immédiate, une évapotranspiration* massive, nous projettent dans un futur méconnu.  
Quand on est au plus bas des précipitations et que l’on se trouve confronté à un tel niveau d’évapotranspiration, la sécheresse atteint alors une intensité inédite, et sa prolongation l’automne et l’hiver suivant devient alors problématique.

*L’évapotranspiration est la quantité d'eau transférée vers l'atmosphère, par l'évaporation au niveau du sol et par la transpiration des plantes.
 

Que nous apprend cet épisode météorologique au regard des prévisions climatiques dont nous disposons ?

Certains éléments sont directement liés au changement climatique d’autres moins.

Ce que nous attendons pleinement dans le climat du futur ce sont des températures en hausse et un déficit de précipitations en été. 

Nous n’attendons pas à une aggravation du déficit de précipitations hivernales. 

On parle beaucoup des moyennes en climat futur mais peut-être pas assez de la variabilité inter-annuelle qui va continuer d’exister. La météo 2022 correspond au minimum de précipitations que nous prévoyons dans le futur mais à des températures moyennes pour le milieu du siècle. Ainsi, les impacts actuels rencontrés sur la ressource en eau et les leçons qui en sont tirés, doivent nous préparer à des situations potentiellement pires dans le futur.