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Bassin Adour-Garonne

Interview Agathe EUZEN

#132

A l’occasion du forum Alliance Nature & Adaptation, les 10 et 11 juin à Toulouse, nous avons rencontré Agathe Euzen, Directrice de recherche en anthropologie et sciences de l’environnement, responsable de la Cellule Eau du CNRS, Co-directrice du programme de recherche OneWater - Eau Bien Commun et personnalité qualifiée du Comité de bassin Adour-Garonne.

En quoi les Solutions fondées sur la Nature sont-elles des solutions pour relever les défis de l’eau ?

Se servir de la nature et du vivant pour rendre service aux humains, à la biodiversité, à l’eau et à l’environnement est une évidence. 
Garantir la qualité de l'eau, c'est, en pratique, d'abord garantir le bon état de l'eau dans des milieux naturels fonctionnels. La nature rend spontanément de nombreux services à l’eau tant pour sa disponibilité que pour sa qualité. Les zones humides, par exemple, permettent d’assurer une filtration naturelle, de retenir l’eau dans les sols... Leur réhabilitation, leur préservation et leur gestion participeront à relever une part des défis qui nous attendent. 
L’aspect écosystémiques des Solutions fondées sur la Nature (SfN) est également l'un de leurs atouts majeurs en regard des défis de l’eau. En effet, nos réponses ne peuvent être ni uniques, ni simplistes. Elles doivent intégrer la complexité des systèmes, la diversité des acteurs tout comme la singularité des territoires et les échelles de temps. 
 

Les défis de l’eau supposent des changements majeurs dans nos modes de vie. Quels peuvent en être les moteurs ?

On parle beaucoup de dialogue, de transversalité mais maintenant il est temps de passer à l’action. Cela peut commencer simplement par davantage associer des problématiques qui sont trop souvent envisagées en silo, sans interconnexions : agriculture et biodiversité, climat et biodiversité, par exemple.

On doit intégrer l’eau et ses enjeux à tous les niveaux : réglementaires, processus de gestion, outils... Il faut communiquer et mobiliser des connaissances partagées pour sortir de ces silos… Cela suppose de se former et de former chacun à avoir une vision plus globale, à s’intéresser et à comprendre l'autre dans un même territoire... 

Alors évidemment cela ne suffit pas, nous n'en serions pas là. Il faut aussi innover, c'est absolument essentiel. Le programme OneWater – Eau Bien Commun vise à réhabiliter l'eau pour ce qu'elle est ou devrait être, un commun. Cela implique de changer de perspective dans sa représentation, de ne plus la considérer comme devant être au service de nos usages, nos intérêts, nos volontés, mais de nous mettre tous au service de l'eau.
 

Pourriez-vous nous présenter plus en détail le programme OneWater, Eau bien commun que vous co-dirigez ?

OneWater – Eau Bien Commun est un programme national de recherche sur l’eau douce continentale financé par France 2030 et copiloté par le CNRS, le BRGM et l'INRAE, avec 10 partenaires. Il vise à réhabiliter l’eau pour ce qu’elle est, un commun et à réenvisager ses usages en fonction de la ressource et non plus en fonction des intérêts propres à chacun. 

Ce programme de recherche s’organise autour de six grands défis. 
Il s'agit d'abord de mieux anticiper donc de mieux connaître l'évolution de la disponibilité de la ressource, des précipitations et de la capacité des milieux à les absorber et à les stocker en prenant en compte les spécificités des territoires. 
Il prévoit de développer une “empreinte eau” permettant de mesurer les conséquences des pressions exercées par les activités humaines et la société sur les hydrosystèmes et les écosystèmes aquatiques et de croiser les dimensions quantitatives et qualitatives de l’eau dans un contexte spécifique.
Son troisième défi est d’envisager l’eau comme sentinelle de la santé de l’environnement et des sociétés humaines. Il s’agit ici de suivre l’évolution de la qualité de l'eau le long du continuum terre-mer . Ces données pourront contribuer à éclairer la gouvernance de l’eau.
En s’appuyant sur les connaissances acquises, il s’agit de s’interroger sur les meilleures réponses pour s’adapter à la diversité des contextes, d’évaluer leur efficience et de proposer des solutions pour promouvoir des réponses visant à renforcer la résilience des sociétés et des écosystèmes. 

Le programme s’inscrit dans une approche globale de la gestion de l’eau. Il ambitionne d’accompagner les transformations nécessaires vers de nouveaux modes et moyens de gouvernance des ressources, pour une transition sociale et écologique juste, équitable, viable et soutenable.

C’est en s’appuyant sur les connaissances produites et sur la grande diversité des données existantes et à venir que cette transformation pourra mieux s’opérer. C’est l’un des enjeux de la mise en place d’une plateforme de données ouvertes et partagées sur l’eau dans une optique d’aide à la décision.